08 décembre 2024

Chronique de Charles, Les Belles Poules


Caillebotte est à la mode, c'est du dernier chic, il faut absolument avoir vu Caillebotte, si tu ne l'a pas vu, si tu ne t'es pas agglutiné et compressé dans une exposition en vogue où il faut avoir été présent le jour de l'inauguration, t'es vraiment un ringard. Moi, Caillebotte, je n'en avais jamais entendu parler, j'ai l'habitude, je suis un Béotien. Si, quand même, intrigué, un documentaire sur arte,

à la mode je vous dis, et puis les raboteurs de parquet, ils étaient partout, pour ne pas les voir fallait vraiment lefaire exprès. Alors, pourquoi pas...

Et puis, c'était au musée d'Orsay (encore la mode vous me direz, mais cette mode c'était il y a longtemps (1986, l'inauguration), le bâtiment industriel (c'est une gare au départ) reconverti que j'avais vu de loin, c'était l'occasion, malgré les quelques heures de car que ça impliquait, de le voir de l'intérieur. Et, histoire de motiver le client et peut-être de parachever le périple en restant dans le tourisme industriel, visite et déjeûner dans une ancienne maison close. Un progamme pas trop ambitieux, pas bousculé dans ses horaires, ça pouvait être cool comme disent les jeunes.

Quatre heures de route et d'encombrements, un déjeûner parisien c'est à dire les coudes au corps plus tard, nous voilà au musée d'Orsay qui est encore une gare (j'y ai vu un bureau SNCF mais pas de rails ni a fortiori de train ? Ce devait être une très belle gare, si j'en juge sur les images rétrospectives, ça reste un beau monument, imposant et tout et tout. En même temps, ça n'est pas les pyramides...

Caillebotte, c'était bien, un peu trop de monde à mon goût, un monde sur l'enthousiasme duquel je m'interroge encore un peu. C'était bien, pas beaucoup le temps de t'extasier, tu traverses l'exposition sans avoir la possibilité de t'arrêter, emporté par le flot de visiteurs avides d'impressions esthétiques inoubliables (ou qui font au moins semblant), j'en ai vu faire des selfies, si, si, je le jure. « Moi à côté de Mireille Mathieu », « moi à côté du pape, à côté du Président », j'arrive à comprendre, je ne souscris pas, mais j'arrive à comprendre, mais « moi devant un tableau de Caillebotte », ça me dépasse un peu, je n'ai pas le recul intellectuel suffisant, je suis un peu étroit d'esprit, ou alors, c'est ce monde qui est ridicule. C'était bien, impressionnant, normal me diras-tu, c'est un impressionniste.

L'hôtel qui nous héberge se situe dans une rue si petite que les cars n'osent pas y mettre les roues, heureusement ma valise en a, je veux dire des roues, ou plutôt des roulettes. Son bar a servi de décor à une scène de « La banquière » avec Romy Schneider. Il a été maintenu en l'état comme un monument historique. Malheureusement, et on ne le déplorera jamais assez, il n'est plus fonctionnel, je le dis comme je le pense, c'est mauvais pour l'ambiance, ça incite à la nostalgie...

Le lendemain, une maison à grand numéro, un claque pour le dire crûment, lui non plus n'est plus fonctionnel. Heureusement, on n'aurait pas pu visiter. Halte aux cadences infernales ! Soixante par jour ! On était dans un établissement plus convenable (si j'ose employer ce mot) que les maisons d'abattage qui recensaient de tels chiffres, avec un rythme déclaré presque confortable de deux à trois par jour si on en juge par les documents de police retrouvés. Je veux parler des passes réalisées par une bonne vingtaine de pensionnaires encartées et qui faisaient la bonne réputation de la maison, un établissement de moyenne gamme dirons-nous. Les décors de céramiques d'origine inopinément retrouvés, heureusement préservés et restaurés sont explicites, mais simplement d'un érotisme feutré, je dirais même délicat, de bon goût. On n'est même pas dans le paillard, encore moins dans le porno. Et croyez- moi, là je m'y connais mieux que pour les impressionnistes. Une conférencière comme j'aimerais en rencontrer plus souvent sur d'autres thèmes (maîtrisant son sujet, l'ayant beaucoup approfondi, n'ânonnant pas, s'autorisant beaucoup digressions mais retournant sans cesse à un solide fil conducteur) nous a beaucoup appris, et pourtant, sur le sujet, j'en connaissais déjà pas mal. Son exposé était émaillé d'images d'époque intéressantes, léger, parfois croustillant, mais jamais lourd ni scabreux, jamais de quoi offusquer vraiment, il faut savoir le faire. Un joli moment...

Le retour en autocar a été fastidieux, sans plus, entre les embarras parisiens dudépart et les bouchons accidentels de l'arrivée sur Lille, on y a passé quatre heures de nos vies...

PS : Mais quand même, soixante par jour, question pénibilité au travail, ça laisse pantois. Tu me rétorqueras qu'elles étaient au lit (j'imagine, mais ce n'est même pas certain), et donc que c'est moins fatigant d'être couché, mais là, c'est moi qui dérape dans le scabreux...

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