Avec son accord, voici la plus récente chronique de Charles Boulenguez, inspirée par l'actualité. Ses précédentes, vous seront proposées de temps à autre, elles sont toutes impayables
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Jugez-en par vous même ! Il y a quelques jours, une petite journaliste de BFMTV (sans jugement de valeur, j'aurais plutôt dû dire de petite taille, c'est peut-être une grande journaliste, je ne suis pas compétent pour évaluer ses prestations, n'empêche qu'elle est de taille modeste, mais mignonne quand même) nous révélait en continu (c'est un peu le principe de cette chaîne) que le virus n'était pas parti, et, dans la même phrase, sans reprendre sa respiration (elle a de bons poumons la petite) que ledit virus revenait... C'est là que je suis devenu méfiant : Comment ce virus fait-il pour être aussi diabolique ? Comment peut-il revenir alors qu'il n'est pas parti ? J'en arrive à comprendre (en partie seulement) le désarroi de nos hautes autorités scientifiques, et les errements de ceux qui nous gouvernent, et tiennent compte de leurs avis compétents mais parfois disparates. Ce virus est vraiment machiavélique, capable de revenir sans être parti, susceptible d'allers et retours quasi-instantanés, ça ne m'étonne pas que Trump pense à une création chinoise (je n'ai rien contre les chinois au demeurant, je ne veux surtout pas faire de procès d'intention, ni généraliser outre mesure, on dit (abusivement ?) le chinois retors, mais ce n'est quand même pas par hasard que les mots chinoiser et chinoiserie existent). Pour un peu, on lui prêterait le don d'ubiquité, à ce virus, mais là, je n'ose m'aventurer plus loin, ou plutôt plus haut (au plus haut des cieux). Si on se met à penser qu'il pourrait être ubiquitaire ou plutôt ubiquiste, on jongle vite avec la théologie à des niveaux ou je n'atteins pas...
J'en étais là, à ricaner de ce que je pensais être un lapsus de présentatrice obligée de remplir à tout prix, de faire du bruit avec la bouche, de ne pas laisser s'installer de silences, de « blancs » considérés comme autant de fautes professionnelles, quand, à l'occasion d'une allocution du Premier Ministre, je ne sais plus où, je ne sais plus quand (il voyage beaucoup en ce moment [pas un reproche, simplement un constat]), j'entend le même message « le virus n'est pas parti, il est revenu ». J'avoue que ça ne m'a pas fait ricaner, là, on n'est plus dans le lapsus journalistique, on est dans l'information gouvernementale, avérée, calibrée, pesée, la pointe d'accent sympathique n'enlève rien à la gravité du propos. J'ai pris peur, je l'avoue, ce virus qui est partout, qui circule à cause de moi (ben oui, on m'a expliqué, mais peut-être que je n'ai pas tout compris, que le virus circule grâce à nous, il ne se déplace que si nous nous déplaçons), personnellement, malgré tous mes efforts dans ce but, jamais je ne suis arrivé à revenir avant d'être parti (ça m'intéressait pourtant, rien que pour économiser le gazole et le péage). Mais ce n'est là que l'explication d'une partie de mes angoisses.
Voilà que le président du comité scientifique (et ce n'est pas rien, c'est quand même une sommité, il n'est pas arrivé à ce poste par hasard) se met à reprendre le même discours, avec les mêmes termes. Cette cohérence, cette homogénéité de l'information devrait, logiquement, rasséréner, mais ce serait mal me connaître que penser que cette convergence des informations puisse me rassurer. Ce n'est parce que tout le monde est d'accord que c'est forcément la vérité « eppur si muove » Galilée l'a dit bien avant moi. Pour les vérités fondamentales, ce n'est pas forcément la majorité qui a raison.
Dans le même ordre d'idées, les mêmes émetteurs d'infos, pas forcément dans le même ordre, nous prédisent, selon les nuances de leur vocabulaire, une deuxième vague (nuance, pas une seconde, une deuxième !), une résurgence, une vaguelette, une prolongation de la première vague, une reprise de l'épidémie, peut-être pas aussi importante que la première fois (normal, beaucoup parmi les plus fragiles sont morts, le virus ne les tuera pas une seconde fois, il faudra qu'il ratisse un peu plus large), c'est prévu pour la mi-août, pour septembre au plus tard, au retour de vacances, à la rentrée des classes, on ne sait pas encore préciser si c'est le matin ou l'après-midi, tout cela étant évidemment la faute aux jeunes qui se relâchent, irresponsables qui ne font rien qu'à faire la fête, qu'à vouloir en profiter pendant qu'ils sont jeunes, aux touristes endogènes qui se regroupent lors de barbecues clandestins, pour ne rien dire des apéritifs sous le manteau, à la sauvette (ça ne peut pas être les étrangers venus d'ailleurs, ils ne sont pas légion cette année), non non, ce sont les touristes bien de chez nous (il y avait longtemps qu'on n'avait pas opposé Paris à la province).
Bref, on se fait gentiment expliquer que c'est notre faute, pour un bien, il aurait fallu se déconfiner sans sortir de chez soi, et faire marcher le commerce de proximité qui en a bien besoin, mais en passant par internet (j'ai essayé, pour le boulanger, ça ne le fait pas bien, la poste, c'était un jour sur deux, total mon pain était rassis).
En tout cas, la faute à qui, je ne sais pas bien, entre les touristes et les jeunes (et il y en a qui ont le front de cumuler, être touriste et jeune !), on nous avait prévu une chasse au cluster sans merci, le virus n'avait qu'à bien se tenir, s'il bougeait seulement une patte, ou une aile, on le traquerait sans pitié (sur l'anatomie du virus, je l'avoue, mes notions sont encore un peu floues). On allait traquer la bête jusque dans ses derniers retranchements, le moindre cas positif permettrait de « remonter » les cas-contacts qui seraient immédiatement isolés, bref, comme pour les incendies, les foyers seraient circonscrits sans aucune possibilité de dissémination, et on allait voir enfin le bout de ce truc. Pour ça, on avait les tests, les écouvillons et les brigades spéciales. J'étais un peu sceptique, à tout le moins circonspect, quand on a vu ce que ça donnait la première fois, ils avaient été rapidement débordés, mais il y avait des raisons, des explications, le virus était inconnu, on n'avait pas de tests, je me disais, ils ont été pris par surprise, ils vont être plus précautionneux maintenant, ils vont prévoir large, on va voir ce qu'on va voir.
Et pourtant voilà le même scénario qui revient en boucle, des gens qui courent après des chaînes de contamination pour les casser, et voilà que ces chaînes courent plus vite qu'eux. Je suis peut-être d'un naturel un peu pessimiste, mais je ne le sentais pas bien ce coup-là : contamination aérogène avérée, nombre élevé de cas asymptômatiques (porteurs sains), fiabilité approximative des tests, manque de préleveurs, lenteur des résultats (quand ce n'est pas l'importance des délais de réalisation), autant de facteurs qui concourent à ce semi-échec (et je dis semi pour rester dans l'euphémisme). Et ce ne sont pas les campagnes sauvages aléatoires de tests menées çà et là en dépit du bon sens qui vont améliorer la situation. J'ai l'air un peu amer, mais je ne me permets surtout pas de critiquer, ils gèrent au mieux une situation ingérable, même s'ils « battent des bras » surtout pour donner une impression de mouvement et d'efficacité.
Du coup, est-ce pour se donner bonne conscience ou pour se dédouaner, la pantalonnade des masques en plein air, l'obligation édictée à qui mieux mieux par des acteurs au plus près du terrain (encore l'opposition Paris vs province). Le maire, le préfet, le curé, le bedeau, tout le monde s'y met, les petites villes comme les grandes, sans grand souci de cohérence, ce qui compte c'est la surenchère. Ne me parlez pas de logique, d'approche pratique, ni même de critères scientifiques, mettez vite votre masque (attention, en le pinçant avec deux doigts frictionnés préalablement avec du gel hydro-acoolique), et ne le quittez plus que pour aller dormir (et si vous réussissez à le garder pour la nuit, c'est encore mieux. Dites-vous bien que si le virus circule, c'est votre faute. La contamination étant aérogène, je vous l'ai dit précédemment, j'appréhende qu'ils préconisent en désespoir de cause (et ce ne serait pas plus sot que les masques en plein air), comme ultime méthode de prévention, l'apnée. Je crains seulement de ne pas pouvoir me retenir longtemps de respirer.
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