Aujourd'hui 7 mai, grande journée, préparatoires en vue du 11 mai ! Mais sentiments mitigés. Ça devait faire plop, comme le bruit d'un bouchon de champagne qui saute (je sais sabrer élégamment, mais d'un point de vue pratique sage et raisonnable, ça n'est finalement pas pratique, ni sage ni raisonnable), ça devait faire plop, ça n'a fait que pschitt comme une bouteille éventée, pas de gaz, pas de bulles, pas de mousse. Ça n'a pas été franchement la fête. Et pourtant, j'avais mis une bouteille au frais.
On s'y attendait quand même un peu, l'orange n'était qu'un leurre en trompe- l'œil. La tension des hôpitaux, quand tu n'es pas corse, ça ne se règle pas d'un claquement de doigts. On est, comme on pouvait bien s'y attendre, restés région rouge, et ça n'est pas plus ennuyeux que ça. Je me place de mon point de vue de vieux vulnérable, de senior fragile (j'aime bien senior, ça va bien avec mon côté fier hidalgo), ça ne va pas changer grand'chose à la vie que je viens de mener ces temps dernier. J'ai le droit de sortir, mais les commerces qui m'intéressent sont fermés (les restaurants et les débits de boissons), j'ai le droit de sortir, mais pas d'aller me réunir à plus de dix personnes, réfléchis bien à ce qui te reste comme possibilité. En résumé, tu as le droit de ne rien faire, ou plutôt, et peut-être mieux dit, il n'y a rien que tu aies le droit de faire, mais la grande nouvelle, c'est qu'il n'y a plus besoin de papier signé ni d'attestation sur smartphone pour le faire, c'est quand même une réelle avancée. Pétanque niet, atelier mémoire niet, conférences niet.
Ah si ! Les petits-enfants peuvent venir nous voir, mais comme on leur a bien expliqué qu'ils te mettent en danger malgré un maximum de précautions, tu penses bien qu'ils ne viendront te voir que s'ils ont des arrières pensées malsaines d'héritage anticipé, et ça va forcément nuire à la cordialité de l'entretien...
Pour cette carte des brigades (au passage, ils leur ont trouvé un nom, les « cellules territoriales d'appui », ça fait sérieux, pas connoté , c'est mieux que brigades, ou pire escadrons, tu vois, c'est ça la communication qui se paie si cher), pas de surprise donc, sauf que si l'idée est simple et bonne, pourquoi ils n'y ont pas pensé pour les masques ? C'est vrai, on nous aurait présenté une carte de la répartition des masques, des stocks passés et présents, des trajectoires des mouvements de masques, je suis sûr qu'on aurait pu comprendre, que ça nous aurait évité de chercher là où il n'y en avait pas, on aurait gagné du temps. Mais pas de problème, elle est désormais verte aussi celle-là, un peu de désordre dans la distribution, mais rien qui coince trop.
Après, il n'y a plus d'école en ce moment, du coup un peu de rattrapage, on a eu droit à un cours de géométrie plane, on nous a parlé des diagonales de l'hexagone (j'ai surveillé attentivement, mais ils ont évité scrupuleusement de parler des (quatre?) coins de cet hexagone, on était quand même pas trop loin d'un exercice de trapèze volant, mais ils se sont bien rattrapés.
Pour les activités du type de celles de notre association, ça va quand même être pour un moment une mise sous boisseau, on va se la jouer en sourdine. On pouvait le deviner sans être grand clerc, c'est la pédale douce (aucune ambiguïté, aucune allusion déplacée, aucune distorsion comportementale n'est à évoquer!) qui s'impose. Les rencontres masquées réduites au strict minimum sont de mise. C'est une ère nouvelle qui s'ouvre, une ère de rendez-vous clandestins, honteux, de rassemblements d'irresponsables : vous vous rendez compte, des vieux, fragiles et tout et tout, qui veulent en rencontrer d'autres, ils perdent la tête, fragiles avec des fragiles, pire tu ne peux pas faire, on a évité le traitement discriminatoire d'un cheveu (je ne veux même pas parler des vieux qui n'en ont plus, de cheveux), ce ne serait pas raisonnable de jouer la provocation à ce point. Conclusion, vous pouvez vous inviter les uns les autres, mais ça n'est pas raisonnable, et il faudra respecter les gestes barrière méticuleusement.
Pour ma part, j'ai mon petit flacon de gel hydro-alcoolique dans la poche, mais surtout, dans l'appartement, je ne me déplace qu'un verre de vieil alcool à la main, alcool dont de je voudrais pas risquer de minimiser les vertus désinfectantes préventives par une dilution intempestive et malvenue liée aux glaçons (j'ai résolu scientifiquement le problème en mettant directement la bouteille au congélateur). Ce n'est qu'au prix de telles mesures responsables citoyennes et de bon sens, savamment pratiquées, qu'on opposera une résistance impitoyable au virus qui nous traque. Le premier ministre, peut me faire confiance, il ne passera pas par moi (le virus, pas le premier ministre). J'ai confiance, avec une telle attitude, on arrivera en trois semaines à repasser au vert, et on retrouvera un peu de la vie d'avant, celle où les bistrots étaient ouverts.
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