Grâce aux immenses possibilités que nous ouvrent les techniques modernes, nous vivons une époque enthousiasmante, et ce n'est rien de le dire ! L'information qui nous est délivrée est rapide, omniprésente, on nous la présente en direct, on est « sur le coup », au cœur de l’événement, on se demande même parfois si on ne va pas nous annoncer l'actualité avant qu'elle ne se produise.
Je n'exagère pas, il suffit que le Président, ou le Premier Ministre prévoie une communication importante pour qu'aussitôt, par le biais des milieux « autorisés », bien informés par des sources « proches de ceux qui savent », on nous dévoile le matin ce qu'ils vont dire le soir même ou le lendemain, et la plupart du temps sans même le conditionnel qui serait, à tout le moins, de rigueur. Moi, si j'étais Président, ou Premier Ministre, je serais vexé qu'on me coupe ainsi l'herbe sous le pied,et j'en profiterais, derrière mon pupitre, et devant mes petits drapeaux, pour dire haut et fort que ce n'est pas la peine que je mette mon beau costume et que je réajuste ma cravate si ce que je dis est déjà largement éventé, ce n'est pas la peine non plus que je me paie le sous-titrage en « live » et l'interprète en langage des signes (au départ, ça paraît faire double emploi, mais si on y réfléchit bien il y a probablement des sourds [pardon ! soyons politiquement corrects, des mal entendants] qui ne savent pas lire). Ça l'a fait pour le confinement, ça l'a fait pour le dé-confinement, ça l'a fait pour le masque en entreprise, c'est en train de le faire pour le plan de relance.
Bref, la moindre mesure est annoncée à l'avance, il ne reste comme suspense que le choix des mots utilisés pour la préciser, ce qui donnera lieu à des commentaires sans fin, plus ou moins adéquats, l'important étant de faire, comme on dit maintenant, le « buzz ». Les exemples possibles à citer seraient nombreux, on pourrait en discourir longuement, mais je n'en retiendrai qu'un, pour la démonstration, et vous allez comprendre, bien mieux que moi, j'en suis sûr, la difficulté de l'exercice :
La pandémie pose problème, et on ne sait pas vraiment où on en est. Actuellement, il semblerait que le nombre de cas soit en augmentation (attention, je ne suis pas sceptique quand j'écris « il semblerait », j'attends de savoir de quoi on parle vraiment : manifestations cliniques suspectes, diagnostic confirmé, résultat positif d'un test PCR, résultat positif d'un sérodiagnostic, hospitalisation, admission en réanimation). Il semblerait, dis- je, que le nombre de cas soit en augmentation par rapport à des références qui ne sont pas toujours précisées, ce qui peut altérer l'appréciation de cette augmentation. Ça n'empêche pas les spécialistes (et il y en a de très bons dans le lot, sans parler des autres, mais s'il fallait attendre de savoir pour pouvoir parler, ça se saurait depuis longtemps) de pérorer sur le phénomène, et d'employer une multitude de substantifs variés pour la décrire. C'est ainsi qu'on nous a parlé de deuxième vague, de vaguelette, de résurgence, de rebond, qu'on nous a expliqué que non, que c'était toujours la première vague, avec une reprise, qu'elle n'avait pas fait son tour partout, donc qu'elle était en train de le faire maintenant là où elle ne l'avait pas fait avant... Moi, je me perds un peu dans leurs explications (dans cette vague, je m'y noie?), il y en a même eu un, sérieux tout compte fait, qui expliquait qu'une définition de la vague, c'est quand les hôpitaux sont débordés. Ça m'a rassuré, il y a des pays où il n'y a pas d'hôpitaux, ils n'ont donc pas eu de vague, c'est probablement là qu'il faut aller se réfugier en attendant le vaccin. Manque de pot, au moment où je vous parle, il n'y a pas d'avion disponible pour y aller!
J'ai entendu aussi, recrudescence, sursaut, regain, ça ne m'a pas rassuré pour autant, d'autant qu'on a précisé (mais pas pour moi qui n'y comprend rien) que l'évolution était exponentielle. Déjà, une pandémie, ça me paraît grave, on me l'a assuré, c'est une pandémie mondiale, qu'elle soit pléonastique en même temps renforce probablement son côté maléfique, par surcroît celle-ci est virale, ce qui n'est pas fait pour me calmer les angoisses, si en plus elle est exponentielle, c'est la fin de tout. Je ne sais pas bien expliquer ce qu'est une croissance exponentielle, ce que j'ai retenu des explications des journalistes, c'est que plus ça va vite, plus ça tendance à aller vite, enfin, en gros c'est l'idée (j'en ai par ailleurs déduit peut-être un peu trop abruptement que les journalistes en question étaient, de formation, et en toute bonne logique, plutôt littéraires que matheux).
Une bonne nouvelle cependant, c'est que si le virus court toujours, comme on nous l'affirme, ce n'est pas au cinéma. J'en veux pour preuve le fait qu'on a un peu relâché les contraintes sanitaires dans les salles de spectacle, on peut désormais s'asseoir les uns à côté des autres, en gardant son masque bien entendu. En tout cas, ce virus commence à être mieux connu, on sait désormais qu'il préfère aller à l'atelier ou au bureau plutôt qu'au cinéma, la preuve incontestable, c'est qu'on l'y traque avec plus d'ardeur : au bureau, tu dois éviter de te placer à côté de quelqu'un, au cinéma ou au théâtre, tu peux.
Pour l'école, on n'a pas encore de certitudes : la pseudo-activité scolaire de juin (j'écris pseudo sans méchanceté, sans intention de dénigrer les enseignants et leurs actions, mais avouez qu'on était loin d'une activité standard) n'a pas eu l'heur de lui plaire énormément, on aurait pu penser qu'il allait se jeter sur les établissement scolaires comme l'alvéole sur les abeilles, mais non, on n'a pas eu de vague liée à ça, ou alors on ne l'a pas vue, ce qui est bien possible (le test pour le virus va finir par être au point et disponible rapidement, pas quinze jours après que tu te sois fait ramoner les muqueuses nasales et huit jours après ton rendez-vous, celui qui détecte les vagues est encore à la phase d'élaboration). Pour le moment, on se congratule d'une rentrée sans problème, ils sont tous venus, enfants éplorés, parents fébriles et enseignants survoltés s'imbiber, s'imprégner d'un protocole sanitaire méticuleux, et dans quinze jours (environ) on saura si on a affaire à un virus décrocheur, un virus qui n'aime pas l'école. M'est quand même avis que ce qu'il a vu de l'école en juin dernier l'a un peu dégoûté, s'il n'y remet pas les pieds, on ne va pas s'en plaindre.
Pour les studios TV, le virus n'a pas encore tranché : il attend d'abord que le protocole sanitaire se mette en place. On voit de plus en plus de discussions en direct, ça ne passe plus par internet, il n'y a pas de masque, les studios seraient moins propices au virus que les ateliers et les bureaux. On y attend sans fébrilité excessive les dérogations au port du masque, on se remet apparemment les uns à côté des autres sans méfiance excessive.
En attendant, on continue d'éplucher les mots ministériels tels qu'ensauvagement, sentiment d'insécurité, et d'épiloguer sans fin en se demandant si on va finir par se masquer partout, dehors comme dedans, et même dans nos toilettes (pas vraiment de distanciation possible, mais je n'y ai pas encore besoin d'être réglementairement masqué car, c'est une vieille habitude, j'y suis le plus souvent tout seul!)
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