En cette époque troublée et pleine d'incertitudes, j'arrive, probablement par réelle inconscience (beati pauperes spiritu !), plus qu'en fonction d'une attitude raisonnée, j'arrive disais-je à sourire de la situation. Je ne devrais pas, vieux cacochyme que je suis, prendre ainsi à la légère la menace qui pèse sur moi. Mais quand je vois s'agiter autour de moi les gens qui savent, les gens qui décident de ma santé et de sa protection, et qui remuent les bras dans tous les sens pour donner à penser qu'ils s'activent utilement, un peu, il faut bien le dire, comme des moulins à vent,
je ne peux pas m'empêcher de ricaner, ou d'avoir un sourire amusé. A l'heure où des compétences avérées nous enjoignent le plus grand calme car il y aurait à leur sens peu de risques, alors que d'autres compétences tout aussi avérées nous prédisent à cours terme « Apocalypse Now » avec les hélicoptères et la chevauchée des walkyries, on se sent un peu perplexe, pas franchement inquiet mais à tout le moins attentif, peut-être même circonspect. C'est dans le contexte sanitaire actuel, que les politiques de tout bord se mettent d'accord (pour une fois) pour qualifier d'anxiogène, en en attribuant la responsabilité aux autres, en précisant qu'à leur place ils feraient autrement, mais mieux et pour moins cher, que je reçois (en tant que professionnel de santé, retraité certes mais pas radié des listes) un message classé urgent de la Direction Générale de la Santé (pas le Ministre directement, mais juste l'échelon administratif en dessous, c'est dire si c'est du sérieux), du message à prendre au sérieux, que tu te mets au garde à vous pour le lire. En gros, il nous est expliqué avec beaucoup d'euphémismes, de circonlocutions et de périphrases que les masques ont manqué, qu'indiscutablement et sans qu'on puisse préciser le pourquoi du comment, ça a merdé quelque part (on dit « tension » sur les EPI [Equipements de Protection Individuels] ça fait plus classe, mais le résultat est le même). Les responsables du message assurent qu'ils ont mis en place dès janvier une chaîne logistique exceptionnelle (sic) (On n'est jamais mieux servi que par soi-même, ils le disent sans pouffer, ce qui démontre au moins une maîtrise de soi imperturbable, à défaut d'un sens des réalités acéré) et qu'ils se sont aperçus qu'au bout de cette chaîne logistique certains masques fournis par l'État avaient des défauts. Ils demandent donc, toujours sans rire que ces informations leur soient rapportées de façon standardisée au moyen de formulaires adéquats et selon une procédure différente suivant qu'il s'agisse d'un défaut matériel ayant entraîné un risque pour l'utilisateur, le patient ou un tiers ou à l'inverse d'une anomalie technique n'ayant provoqué aucun risque pour les susdits. Il est bien précisé qu'il faut utiliser un formulaire différent selon le cas, c'est de la plus haute importance si on veut optimiser la remontée d'information. Moi qui suis simpliste (j'aimerais être plus malin, mais je fais avec ce que j'ai), je reste éperdu d'admiration devant le sang froid qu'il faut avoir pour rédiger de tels messages. Il y a dans notre douce France des gens assez zélés pour, dans la tourmente qui nous assaille, rester stoïques, tels des capitaines imperturbables sur la dunette dans la tempête, et se préoccuper activement de l'efficacité du retour d'information. J'admire certes, mais avec modération. En effet comme ce sont, avec un peu de chance, les mêmes qui se sont occupés de la gestion des stocks de masques lors de la dernière décade, j'ai tendance à tempérer l'admiration que je leur porte. Ils étaient, à l'époque, moins soucieux des remontées d'information sur la qualité des élastiques. C'est vrai qu'encore récemment, on n'avait pas de masques, on avait le droit de s'en faire avec de la gaze à pansements aussi bien qu'avec de la tarlatane ou de la mousseline, voire du filtre à café, on ne se traumatisait pas trop avec les défauts, maintenant qu'on en a, voilà qu'ils ont parfois des défauts dont notre ministre de la santé veut être informé heure par heure dans le moindre et plus optimisé détail. Je suis content qu'on s'occupe aussi méticuleusement de ma santé, le savoir me rassérène et me rendrait presque euphorique. Heureusement, cette euphorie, j'arrive à la canaliser : elle m'aide à accepter les aberrations de la réglementation du port de masque. J'ai dû en certaines circonstances porter obligatoirement un masque qui ne me tenait pas sur la figure à cause d'un vent à décorner les cocus, à l'inverse j'ai pu me dispenser de son port dans des salles de spectacle où j'ai d'ailleurs préféré ne pas m'attarder (c'est bien simple, dès que quelqu'un cherche, même sans malveillance, à respirer le même air que moi, je m'éloigne un peu : c'est le bon sens même en cas de transmission aérogène). Et ce n'est pas la Direction Générale de la Santé qui me fera changer d'idée, même si je me lave les mains efficacement mais sans conviction. N'hésitez pas à lui signaler le moindre défaut dans un masque (c'est par là que passera le virus, soyez-en sûrs). Pour les tests, j'attends de cette institution vénérable les messages concernant la « priorisation » puisqu'on s'est rendu compte avec un peu de recul (pour ne pas dire retard à l'allumage) que c'est là que ça coince (tester tracer isoler c'est efficace seulement quand on n'a pas quatre semaines de retard sur le contage), et pour les mesures d'isolement, j'attends aussi les nouvelles consignes de durée, dès que je les aurai comprises, ça me fera vraisemblablement aussi une bonne occasion de rigoler.
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