Rassure-toi, la science avance à grands pas (et pas seulement à saut
de grenouille), on le constate avec les vaccins, au train où ça va, dans un
avenir proche on va disposer des vaccins avant même que les virus soient de
sortie. Pour l'instant on court après eux, demain on va les précéder, ce n'est
pas une utopie, c'est déjà le cas (avec plus ou moins de bonheur) avec la
vaccination anti-grippale par exemple. Tu te demandes bien où je veux en
venir, et je vais répondre très vite à tes interrogations et te soulager, que tu te
ne fasses pas des nœuds dans la comprenette : J'entends des élus locaux,
régionaux et même plus, des responsables plus ou moins scientifiques, des
politiques de toutes tendances, des journalistes en mal de sensationnel
affirmer à partir de faits mal constatés, de chiffres disparates, d'anecdotes
comme il s'en racontait sur des coins de comptoir de bistrots (quand les
bistrots étaient ouverts, heureuse et révolue époque), affirmer avec des
accents de certitude qui me foutent le vertige, une relation entre l'heure du
couvre-feu et le nombre de cas positifs dans leur circonscription, cette
relation pouvant aussi bien être positive que négative (généralement en
fonction de la sensibilité politique ambiante), et je me remémore mon
collègue et sa grenouille soit-disant sourde. Il est tellement difficile d'établir
une relation de cause à effet, il est tellement facile d'établir des contre-vérités
avec une sincérité désarmante. Le restaurateur pressé de restaurer dit-il (et
d'assaisonner le client, ne dit-il pas) qui jure ses grands dieux qu'on n'a pas
découvert de cluster dans les restaurants, le comédien de théâtre ou
l'exploitant de salle de cinéma qui réfutent l'idée même qu'on puisse se
contaminer chez eux sont parfois de bonne foi, au prétexte qu'on ne décrit
pas de cas avéré dans leurs salles, mais ne tirent pas les bonnes
conclusions, ou plutôt ils tirent les conclusions qui les arrangent, on reste
désarmé devant tant de candeur si elle est sincère, devant tant de grenouilles
sourdes.
Notre Ministre de la Santé est venu nous faire son tour de piste
hebdomadaire, pour bien nous expliquer de ne pas nous relâcher (on n'y
avait même pas pensé !), on n'est toujours pas sorti de la deuxième vague,
on est toujours dans la zone de danger, le variant n'est pas maîtrisé, tester
alerter protéger, toujours la même doctrine, rien de nouveau en somme. Il
était accompagné d'une scientifique de haut niveau qui nous a expliqué
simplement et clairement les différences entre prévisions et projections avec
hypothèses, du coup elle n'a pas fait de prédictions, mais en gros, si je
schématise un peu, ses belles courbes de prévisions et de projections étaient
à peu près les mêmes (pour l'une les pointillés étaient rectilignes, pour l'autre,
ils ondulaient un peu). Sa prudente perplexité résultait d'un constat un peu
paradoxal, souligné un peu plus tard par Notre Ministre : La proportion de
variants augmente, mais le nombre de contaminations diminue. Et tous,
autant qu'ils sont, se gardent bien de la moindre explication, tous demeurent
cois, ils n'arrivent pas à s'expliquer le phénomène, les meilleurs (et les plus
sages) restent circonspects et se perdent en conjectures, ils espèrent que
cette décrue est une réalité, ils n'osent pas espérer que ce ne soit pas un
« bruit de fond », un mouvement brownien, on est dans une phase un peu
spéciale, un peu hors du temps, comme à la roulette quand rien ne va plus,
qu'on ne sait pas encore quand et où la bille va tomber. Les grands
fournisseurs d'explications restent prudemment muets (on les comprend, tu
as vite l'air con quand tu expliques savamment le mécanisme d'un truc qui va
croissant, et qui finalement évolue à la baisse, et/ou vice versa), ils attendent,
c'est l'enfance de l'art et la prudence élémentaire pour ces faux prophètes, de
savoir de quel côté la pièce va retomber avant de dire pourquoi justement elle
est retombée de ce côté là.
Donc surtout ne pas bouger, si possible même ne pas respirer, ne rien
faire qui puisse faire évoluer la situation dans le mauvais sens. Ça descend,
bien malin celui qui peut dire pourquoi, mais ça descend, on va surtout ne
rien faire, si ça se confirme, c'est une bonne nouvelle, il sera toujours temps
de trouver des explications (et des sommités médicales et/ou politiques pour
en trouver).
J'ai bien une petite idée, elle ne vaut certainement pas mieux qu'une
autre, mais en attendant que des gens largement plus malins que moi
viennent expliquer le pourquoi du comment, je me dis que sans pouvoir
l'expliquer rationnellement, ni même vouloir le faire, la crainte du variant
mystérieux, plus méchant (130 % plus létal nous a-t'on dit), plus exotique
(sud-africain, brésilien, c'est mieux qu'anglais, c'est plus lointain, moins
banal) y est peut-être pour quelque chose : on ne m'ôtera pas de l'idée que si
le nombre de cas positifs atteint des niveaux aussi importants (on tourne en
moyenne à plus de 20 000 cas journaliers), c'est probablement que les
gestes barrières ne sont pas strictement respectés, par maladresse, par
ignorance, mais peut-être aussi par insouciance. La prise de conscience de
la situation, émoussée par l'habitude d'un virus d'abord trop craint, puis
ensuite trop négligé s'est exacerbée à l'occasion de l'apparition d'un nouveau
danger méconnu donc davantage redouté. Ceci pourrait bien expliquer cela,
je ne m'avance pas plus loin, j'ai trop peur de tomber dans un travers que je
dénonce chez d'autres, d'expliquer la surdité des grenouilles amputées...
En tout cas, d'autres n'hésitent pas, ou très peu. Les prudents osent à
peine évoquer une relation de cause à effet, les intrépides extrapolent un peu
plus et en induisent une causalité fortement discutable, ils en concluent à des
corrélations invraisemblables. A l'occasion de chiffres qui flambent à
différents endroits du territoire, on entend les hypothèses les plus farfelues,
pour la relation de cause à effet en Moselle c'est compliqué, la moitié du
département travaille au Luxembourg, l'explication en serait ce brassage
forcément délétère, d'autant qu'il y a des belges qui font la même chose de
leur côté, et les allemands du leur, pour Nice et Dunkerque c'est plus facile (à
gober comme explication), c'est le Carnaval qui serait responsable avec son
afflux de touristes souhaité par les commerçants niçois, regretté par les
autres autochtones (à Dunkerque ce seraient les chapelles clandestines, le
touriste en février, sans vouloir dénigrer ma région, y est plus rare), pour la
région parisienne peut-être que c'est à cause du centralisme responsable de
tout, va savoir ! Et tout le monde s'en mêle (s'emmêle), les positions se
durcissent au point de devenir déraisonnables, les décisions deviennent des
gesticulations dans la concertation, le couple maire-préfet divorce et se
remarie à qui mieux mieux, retardant au prix d'un consensus mou les
dispositions urgentes à prendre (à Nice, il a fallu attendre le lundi matin pour
des dispositions qui auraient pu être instaurées dès le samedi précédent,
peut-être même dès le vendredi). Et tout ce à quoi ça aboutit en définitive,
c'est à orienter préférentiellement des lots de vaccins vers les territoires en
question, histoire de calmer le jeu, et comme il n'y a déjà pas beaucoup de
vaccins disponibles, ça conduit à des reports au détriment d'autres régions.
Bien sûr que la vaccination est importante, bien sûr que c'est la solution, mais
c'est une solution dans l'avenir, c'est pour dans quelques mois, c'est pour la
prochaine fois (la prochaine vague, dès qu'on sera sorti de celle-ci), la Covid-
19, ce n'est pas la rage pour laquelle on vaccine des sujets susceptibles
d'être atteints, pour les sujets positifs Covid, c'est trop tard (on peut même se
demander si c'est bien raisonnable de vacciner un sujet résidant en zone à
risque et donc peut-être déjà en phase d'invasion Covid et donc fragile, les
études rétrospectives nous le diront certainement plus tard).
En attendant des jours meilleurs, fais-toi vacciner dès que tu en auras
l'occasion (si tu as entre 66 et 74 ans, reste zen, dis-toi que cultiver la
patience forge la grandeur d'âme), et respecte le plus possible les gestes
barrières, ils sont tous utiles, moi, ceux que je privilégie c'est d'éviter au
maximum les espaces clos surtout confinés, c'est d'éviter de se faire parler
« dans le nez », c'est la distanciation dès que c'est possible et bien sûr
évidemment (dérisoire barrière au demeurant) le masque. Tu peux aussi t'en
laver les mains.
Par chance probablement, je ne suis pas contaminé (je n'ai pas
l'outrecuidance de m'en targuer), faut-il y voir une relation de cause à effet
entre mon attitude prudente et ma non-infestation Covid ? Il y en a beaucoup,
tout aussi prudents (et même plus malins que moi) qui n'ont pas eu le
bonheur de s'en tirer indemnes, je ne confonds certainement pas chance et
probabilité.
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